Quel sera vraiment l'héritage des Jeux Olympiques de Paris 2024 ? 🏟️ 🤾
Une analyse critique des conséquences durables de ce méga-événement sportif
Non, les Jeux Olympiques de Paris 2024 ne se résument pas à une parenthèse sportive éphémère. Ils marquent un tournant géopolitique et pourraient bouleverser durablement le quotidien des Franciliens et notre conception de la ville et des méga-événements sportifs. Décryptons les conséquences des Jeux, essais et travaux de recherche à l’appui.
Sur le plan géopolitique, une opposition entre Occident et Sud global 🌍
1- Une décision historique, illustration du piège de Coubertin ⚡️
Si le chercheur Lukas Aubin considère les JO 2024 comme les plus géopolitiques depuis la fin de la Guerre Froide, c’est en partie car la guerre en Ukraine a conduit le Comité international olympique (CIO) à sortir de sa neutralité politique pour prendre une décision historique : interdire aux athlètes russes et biélorusses de concourir sous la bannière de leur pays.
Les fédérations africaines, asiatiques et sud-américaines ont largement contesté l’avis du CIO, tandis que les pays occidentaux saluaient sa décision, ou demandaient une exclusion totale des athlètes russes et biélorusses, à des fins parfois diplomatiques.
🇪🇺 C’est le cas de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui a condamné toute participation des athlètes russes, alors même qu’elle venait d’auditionner des athlètes appelant à ne pas « condamner les sportifs » pour les actes de leur gouvernement : une tentative pour l’Europe de déployer une forme de diplomatie sportive ?1
🇷🇺 Cette décision a aussi conforté Moscou dans sa volonté de discréditer les instances du sport mondial (en les accusant d’être corrompues et de sortir de l’apolitisme qu’elles prétendent défendre) et de créer un système sportif alternatif pour concurrencer le système actuel, jugé dominé par l’Occident2.
C’est à cette fin que Poutine organise des compétitions parallèles, comme les Jeux de l’amitié annoncés pour septembre, et les Jeux des BRICS, qui ont regroupé en juin dernier des athlètes de plus de 80 pays.
Ces Jeux ont été un fiasco, mais reflètent bien la désoccidentalisation du sport et des relations internationales, et l’existence de ce que Lukas Aubin appelle une nouvelle Guerre Froide du sport.
Cette dernière n’oppose plus :
le modèle sportif soviétique (horizontal et socialiste, fondé sur l’intervention de l’État et le sport de masse) et le modèle sportif américain (vertical et libéral, privilégiant les investissements privés et la réussite individuelle)
mais les sportocraties et les sportocratures, des régimes autoritaires où le sport est un outil de contrôle social et de nationalisme, et les athlètes sous la coupe du gouvernement.
Ces Jeux ont donc illustré le « piège de Coubertin ». Renvoyant à l’ambition de Pierre de Coubertin de faire des Jeux olympiques modernes des événements apolitiques mais au service de la paix entre les nations, le terme désigne la contradiction entre la volonté de rester politiquement neutre et la volonté de promouvoir la paix. Car comment promouvoir la paix sans faire de politique ? Doit-on accepter la présence des athlètes russes (ou israéliens) au nom de la neutralité politique ou les exclure pour condamner les conflits armés ? De même, le CIO peut-il accepter que les Jeux soient organisés dans des pays critiqués pour leurs atteintes aux droits humains, alors même qu’il s’est engagé via son Agenda 2020 à valoriser la diversité, l’inclusion et l’égalité dans le sport ?
Le sport doit-il sortir de l’apolitisme pour défendre des principes écologiques et éthiques ?
2- Le sport comme outil de nation building et nation branding
Comme le rappelle Jean-Baptiste Guégan, le sport, phénomène global et populaire, est un outil politique au service du soft power (cette forme de puissance qui s’exerce par des moyens non militaires). Les Jeux de Paris ont ainsi :
permis à la France de redorer son image, les Jeux étant l’occasion de déployer un véritable marketing territorial et ayant notamment battu le record du nombre de places vendues et de spectateurs devant la cérémonie d’ouverture : on parle de nation branding (la construction d’une image de marque projetée à l’étranger)
permis aux athlètes ukrainiens de se faire porte-paroles de la cause du pays (c’est pour cette raison que Zelensky les a exempté de conscription)
été un moyen d’exister aux yeux du monde pour des pays non reconnus par l’ONU mais disposant d’une délégation officielle aux Jeux (comme la Palestine ou le Kosovo) : on parle de nation building (la construction de la nation autour d’un récit et de valeurs partagées)
Sur le plan environnemental, un tournant vers des Jeux plus durables ? 🌱
1 - Un objectif ambitieux
L’empreinte carbone des Jeux de Paris devrait être deux fois inférieure à la moyenne de celles des Jeux de Londres et Rio, afin de respecter l’objectif du CIO de zéro émissions de carbone d’ici 2030.
Les émissions qui n’auront pas pu être évitées seront compensées par des projets durables et les émissions seront limitées grâce notamment à l’application de la nouvelle norme de certification internationale mise en place lors des Jeux de Londres en 2012 et à :
des constructions limitées (95% des infrastructures existent déjà) recourant à des matériaux plus écologiques que le béton (notamment biosourcés) et répondant à des exigences de durabilité sur l’ensemble de leur cycle de vie 🏠
la réduction de l’usage de viande par les repas (une des sources d’émissions les plus importantes, bien que souvent oubliée) 🥩
la desserte de 100% des sites en transports en commun et l’aménagement de 10 000 nouveaux stationnements de vélo et 60 km de pistes cyclables 🚲
l’alimentation de tous les sites en énergie renouvelable (l’usage d’énergie fossile serait compensé par des achats d’électricité renouvelable utilisée ailleurs sur le réseau) 🔋
2 - Une durabilité contestable
⚠️ Mais attention à ne pas parler pour autant de Jeux durables : le modèle des Jeux reste incompatible avec l’écologie, car il repose toujours sur des trajets en avion et sur le sponsoring d’entreprises polluantes (comme Toyota, Samsung ou Coca-Cola, premier pollueur plastique au monde accusé de greenwashing pour servir ses boissons dans des gobelets en carton… remplis avec des bouteilles en plastique).
🔎 Il reste également très compliqué d’évaluer la durabilité des Jeux. En 2021, une équipe de chercheurs dirigée par Martin Müller a mis au point un modèle en 9 indicateurs (3 pour chaque volet - empreinte écologique, justice sociale et efficacité économique).
Ils remarquent que les Jeux n’ont jamais été durables (aucune des éditions n’a obtenu de score élevé dans les 3 dimensions), que les éditions récentes ont été moins durables que les précédentes (à l’exception des Jeux de Tokyo qui se sont déroulés en 2021 pendant la pandémie de Covid) et que les Jeux présentés comme des modèles de durabilité ont souvent obtenu des scores inférieurs à la moyenne.
3 - Des pistes pour des Jeux plus écologiques
Il existe en revanche des pistes pour rendre les Jeux plus en phase avec la transition écologique :
réduire drastiquement la taille de l’événement (pour limiter les besoins en ressources et infrastructures), en instaurant par exemple un quota de voyageurs étrangers, et miser sur le numérique pour faire vivre les Jeux à distance et limiter les déplacements 📉
sélectionner deux ou trois villes hôtes qui accueilleraient les Jeux à tour de rôle pour limiter les constructions 🏙️
confier à un organisme indépendant la mise en place de normes de durabilité strictes et obligatoires, et lui donner les moyens de contrôler leur application ⚖️
interdire aux entreprises polluantes de sponsoriser les Jeux (comme on le fait déjà pour l’industrie du tabac et de l’alcool) 🚫
Des solutions réalistes, dont la mise en œuvre est d’autant plus probable que les Jeux ont tout intérêt à devenir plus écologiques.
D’une part car le dérèglement climatique menace leur existence (manque de neige, athlètes en souffrance face aux fortes chaleurs…). Dans un scénario à +2°C d’ici 2050, on compterait 24 jours supplémentaires par an ou la température dépasserait 32°C, seuil au-delà duquel il est fortement déconseillé de pratiquer une activité physique en extérieur. Dans un scénario à +4°C, les footballeurs amateurs à Strasbourg pourraient pratiquer 55 jours en moins en raison de la hausse des températures (humidité et chaleur). 🥵
D’autre part car leurs recettes reposent moins sur le nombre de spectateurs que sur les sponsors ou droits de diffusion (ils pourraient donc réduire leur taille sans nuire à leur modèle économique). 💵
Sur le plan socio-économique : la notion d’héritage en question ❓
1- L’héritage des Jeux : qu’attend-on de l’événement ?
Les Jeux de Paris sont les premiers à appliquer les recommandations adoptées par le CIO dans le cadre de l’Agenda 2020, qui reposent la durabilité et l’héritage matériel (infrastructures et bâtiments) et immatériel (effets sur les emplois et la pratique sportive). Les organisateurs ont insisté sur le fait que les Jeux allaient laisser un héritage positif en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France hexagonale, où se concentrent plusieurs épreuves et 80% des chantiers de la Solideo. Mais quel sera vraiment l’héritage des Jeux ?
→ L’héritage matériel peut paraître limité, car 95% des infrastructures sportives existent déjà. Mais il comprendra en fait :
le quartier issu de la reconversion du village olympique et des médias, avec ses 4 000 logements neufs et 120 000 m2 de bureaux et services
l’Adidas Arena, qui accueillera concerts et matchs de basket
le Grand Paris Express, soit 200 km de réseau (la distance Paris-Lille) et de nouveaux quartiers de gare, dont la présence doit désenclaver la banlieue et la rendre plus attractive
des infrastructures3 et de nouveaux stationnements et itinéraires cyclables
→ Quant à l’héritage immatériel, les Jeux devraient notamment créer 18 000 emplois et revitaliser la pratique sportive. Le gouvernement a financé 1 100 projets Impacts 2024 pour inscrire la pratique sportive au quotidien (30 minutes de sport chaque jour à l’école, programme 1 2 3 nagez en Seine-Saint-Denis, etc.).
On notera aussi que les JO ont donné un grand coup d’accélérateur au Plan visant à ouvrir la Seine et la Marne à la baignade pour tous en 2025. Une avancée qui a permis de repenser l’assainissement urbain et sera un atout face aux vagues de chaleur, j’en parle dans cette vidéo.
2- Une notion d’héritage positif à nuancer
→ si les organisateurs ont misé sur la Seine-Saint-Denis, c’est aussi pour une raison stratégique : se rapprocher de la jeunesse, se montrer ouvert à la diversité et profiter des nombreux terrains peu chers dont dispose le département (et où plusieurs entreprises ont déjà implanté leur siège social)
→ sur les 180 000 emplois que devraient créer les Jeux, beaucoup sont précaires, ponctuels (liés à la construction des infrastructures ou au transport et à la sécurité lors des Jeux) ou ne correspondent pas au niveau de qualification de la population : ils vont donc profiter aux personnes extérieures au département, qui représentent déjà la majorité des actifs de Seine-Saint-Denis
→ l’arrivée d’un nouveau quartier risque d’accélérer la gentrification du département (l’arrivée d’une population plus aisée pourrait repousser les habitants plus précaires en périphérie). En effet, les nouveaux logements seront vendus à 6000€ le mètre carré en moyenne (un prix 50% supérieur à celui d’il y a 6 ans, qui les rend inaccessibles aux plus précaires) et seuls 1/4 des nouveaux logements seront des logements sociaux (alors que la ville de Saint-Denis en compte 50%)4.
→ certains soulignent le caractère éphémère des initiatives prises lors des Jeux :
on n’observe pas de corrélation directe entre la tenue des Jeux (ou un nombre de victoires importantes dans un sport) et la hausse du nombre de licenciés des fédérations, qui dépend d’un ensemble de facteurs dont la taille de la fédération, la communication, l’attachement à un sportif ou une équipe emblématique, la capacité des clubs à accueillir de nouveaux adhérents…
dans le cadre de la stratégie héritage, des labels (Génération 2024 ou Terres de sport) sont octroyés aux établissements scolaires et communes qui s’engagent à promouvoir le sport. Or, ils ne sont pas toujours associés à des moyens humains et financiers supplémentaires et aucune évaluation ne permettra de vérifier le respect des engagements dans le temps. Certains labels s’avèrent inadaptés au temps long, comme celui qui permet aux communes d’accueillir des athlètes avant et pendant les Jeux, mais les oblige à conformer leurs infrastructures à des normes internationales strictes et coûteuses, non nécessaires pour la population locale, comme le souligne Pierre-Olaf Schut
la plupart des actions n’engendrent pas de transformation durable de la société. Par exemple, si la Ville de Paris a financé des cours de sport pour femmes sur les terrains de la capitale, majoritairement fréquentés par les hommes, l’égalité des genres en ville ne s’améliorera pas sans politiques publiques transversales de long terme
→ Enfin, les Jeux ont souvent accéléré des projets déjà existants (le Grand Paris Express ou la construction de nouveaux logements en banlieue), la rénovation urbaine a engendré l’expulsion de plusieurs familles, et ce sera aux communes d’assumer le coût de fonctionnement des équipements sportifs.
3- Deux essais critiques sur l’héritage olympique
Les revers du Grand Paris Express 🚇
Pour la géographe Anne Clerval et la journaliste Laura Wojcik, la construction de nouveaux quartiers aux abords des 69 gares du réseau du Grand Paris Express s’apparente à une « opération de peuplement », consistant à remplacer une population précaire par une population plus aisée pour attirer les investisseurs. Les autrices soulignent que certains habitants ont été expropriés (parfois sans accompagnement réel et en étant coupés des réseaux de solidarité locaux) et ne trouvent pas toujours à se reloger, étant donné que beaucoup de logements sociaux sont reconstruits hors de la commune pour « diluer la pauvreté » (alors même que l’Île-de-France manque drastiquement de logements sociaux).
L’opération ne va donc améliorer ni la mixité sociale, ni l’accessibilité de Paris pour les plus modestes. Elles expliquent aussi que beaucoup de décisions ont été prises au sein d’instances administratives issues de la création de la métropole du Grand Paris en 2015 et éloignées de la population, et que la plupart des communes, souffrant du désengagement de l’État, se réjouissent de cette opportunité de réduire leurs dépenses de solidarité et n’ont pas les moyens d’acquérir elles-mêmes les logements et terrains, qui passent alors aux mains d’investisseurs soucieux de profit et avides de spéculation foncière.
Dans cet essai nourri d’enquêtes et d’entretiens de terrain en Seine-Saint-Denis, la journaliste Jade Lindgaard réfute l’idée d’un héritage positif pour les Jeux et dénonce notamment 3 revers de l’événement, souvent occultés par « l’enthousiasme olympique » que partagent médias et pouvoirs publics :
des décisions prises de manière peu démocratiques. La Ville de Paris n’a pas organisé de référendum sur sa candidature (de peur de devoir la retirer, comme avaient du le faire Rome et Boston avant elle), et les projets de construction liés aux Jeux, classés d’intérêt national, ont été rendus quasi impossibles à contester en justice et ont échappé à des obligations environnementales ou démocratiques (comme l’organisation de concertations publiques). 👔
un financement opaque, avec une confusion entre fonds publics et privés, des dépenses publiques financées par les collectivités ou non prises en compte (comme les frais de sécurité ou les exemptions fiscales dont bénéficie le CIO, qui échappe largement au contrôle des États du fait de son statut d’ONG suisse à but non lucratif) 💵
un extractivisme olympique. Pour créer de la valeur dans des zones délaissées, on transforme brutalement des quartiers dont sont dépossédés les habitants (surtout les plus précaires, expulsés par les travaux), au nom de la mixité sociale et de l’intérêt général. 🏗️
Elle estime donc que les Jeux laisseront aussi un héritage négatif : des populations précaires victimes de « dépossession urbaine », une ville axée sur la rentabilité plus que sur la solidarité, et une concentration des polluants atmosphériques sur certains sites (dont le groupe scolaire Anatole France, qui se retrouve riverain d’une bretelle d’accès à l’échangeur financé par les Jeux).
Sur le plan social : une prise de conscience nécessaire ?
Malgré ces critiques, on peut noter que les JO de Paris ont été l’occasion de mettre en lumière des enjeux sociaux importants.
1 - Une charte sociale inédite 🤝
Pour la première fois, une charte sociale a été signée avec les organisations syndicales et patronales. Elle s’articulait autour de 3 engagements : garantir l’accès au marché à toutes les entreprises même modestes, le respect des conditions de travail (on a compté 4 fois moins d’accidents lors des chantiers des Jeux que sur les chantiers du BTP et les travailleurs sans-papier employés ont été régularisés) et la création d’emplois5.
Le député Régis Juanico prône également la création d’une autorité administrative indépendante chargée de la protection de l’éthique du sport, comme le préconise le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements des fédérations et du monde sportif.
2 - Une amélioration de la situation financière des athlètes 💵
On entend souvent dire que les athlètes gagnent trop d’argent. Il est vrai qu’un joueur du PSG gagne en moyenne 1 million d’euros par mois (soit 32 000€ par jour, contre 45€ pour un travailleur au SMIC) et qu’un rugbyman du Top 14 touche 25 000€ mensuels en moyenne.
Mais la grande majorité des athlètes sont dans une situation précaire. Lors des Jeux de Rio en 2016, 40% des athlètes de la délégation française (soit plus de 200 sportifs) vivaient sous le seuil de pauvreté6. Notamment car le statut de professionnel (qui permet de signer un contrat de travail avec un club ou une fédération et d’obtenir un revenu régulier) n’existe pas dans tous les sports : les athlètes doivent alors se contenter de leurs récompenses ou de contrats ponctuels avec des sponsors.
En 2024, aucun athlète de la délégation française ne se trouvait sous le seuil de pauvreté. L’Agence Nationale du Sport (ANS) avait garanti un revenu de près de 2600€ par mois à 600 athlètes médaillables aux Jeux, et les athlètes peuvent désormais réclamer le statut de « sportif de haut niveau » pour obtenir des aides financières.
Mais les aides financières les plus importantes sont réservées aux meilleurs (notamment ceux qui sont en catégorie élite dans les clubs), et les sportifs peuvent basculer dans la pauvreté s’ils sortent des critères d’éligibilité (suite à une défaite ou parce que ces critères ont évolué). L’ANS propose aussi des contrats de travail aménagés dans l’armée, la police ou des entreprises privées, mais ces dispositifs sont encore sous utilisés.

Beaucoup de sportifs doivent donc toujours exercer un travail (parfois de nuit) ou faire appel aux dons pour se payer leur matériel et entraînement.
Sébastien Fleuriel estime donc qu’en vantant le sport amateur préservé des dérives de l’argent, les fédérations refusent de faire des sportifs des travailleurs à part entière. Il appelle les sportifs à mutualiser leurs luttes pour faire entendre leurs revendications, souvent balayées par l’idée selon laquelle un sportif gagnerait forcément trop.
Quel avenir pour les Jeux ?
1 - La place des sponsors en question 🤔
Au-delà de leur empreinte carbone, c’est leur place dans la ville qui interroge.
Les Jeux profitent bien sûr aux marques, comme Orange qui a organisé le marathon pour tous ou LVMH (qui a créé la malle et le plateau des médailles et symbolise le luxe et le savoir-faire français). Mais au-delà de leur empreinte carbone, c’est leur place dans la ville qui interroge. L’anecdote ci-dessous va sûrement vous en convaincre 👇
L’Adidas Arena aurait pu être le premier équipement olympique de l’histoire à porter le nom d’une femme (en l’occurrence celui d’Alice Miallat, nageuse, hockeyeuse et rameuse française ayant créé les premiers Jeux mondiaux féminins en 1922), mais Adidas a imposé le nom Adidas Arena contre le versement de grosses sommes pour l’entretien du bâtiment et d’une redevance à la Ville de Paris et aux clubs de l’arrondissement. Un événement qui montre le rôle majeur des sponsors, capables d’acheter et de privatiser le nom d’équipements publics, et de plus en plus présents dans l’espace urbain grâce à cette politique de naming.
2 - Les pays du Sud global, futures puissances olympiques ? 💪
→ Le sport au coeur du rêve chinois 🇨🇳
La Chine souhaite devenir première puissance sportive mondiale d’ici 2050 et fait du sport un des piliers du « rêve chinois », programme politique de Xi Jinping visant à rendre au pays sa grandeur passée. Elle cherche ainsi :
à faire du sport une vitrine de sa puissance (les Jeux de 2008 lui ont permis de montrer sa puissance économique à travers sa victoire sur les États-Unis au classement des médailles, son stade futuriste et sa cérémonie d’ouverture mettant en scène la place centrale de la Chine dans l’histoire mondiale)
à former des athlètes performants en investissant dans les infrastructures et les sports d’équipe (elle a doublé son nombre de stations de ski en 50 ans et le géant du commerce Alibaba investit massivement dans le rugby) et grâce à un système pyramidal en 3 niveaux7.
De plus en plus contestée pour ses atteintes aux droits humains (les Jeux de Pékin 2022 ont fait l’objet de boycott diplomatique), elle réplique par la menace économique, cessant de diffuser les matchs de la NBA si un joueur ou entraîneur émet des propos qui déplaisent au Parti Communiste.
→ La stratégie sportive de l’Inde 🇮🇳
L’Inde souhaite accueillir les JO 2036 pour montrer qu’elle est entrée dans le club des grandes puissances, comme l’a fait le Japon en 1964 après le miracle économique, ou la Chine en 2008.
Le sport permet également à son dirigeant Narendra Modi :
de redorer son image : il soutient des sports nationaux très populaires, construit des stades en son nom et pratique publiquement le yoga pour s’afficher en pacifiste, malgré une population autoritaire
de renforcer sa politique hostile aux non-hindous en présentant le yoga comme une tradition séculaire reflet de l’identité hindoue de l’Inde
de satisfaire des buts géopolitiques : les matchs de crickets sont des opportunités de dialoguer avec le Pakistan voisin, la diplomatie du yoga (plaidoyer à l’ONU pour la création d’une journée du yoga, nomination d’un ministre du yoga) est un facteur de rayonnement culturel

Faits révélateurs du poids économique et politique du sport : le cricket génère plus de revenus que Bollywood et l’instance qui dirige le cricket en Inde est passée sous contrôle du parti de Modi, le BJP.
→ Comment Poutine utilise le sport pour renforcer son pouvoir 🇷🇺 🥊
Pour le chercheur Lukas Aubin il existe en Russie une sportokratura (du grec kratos, la force) : un système par lequel athlètes, politiques et oligarques font du sport un instrument de pouvoir pour construire la nation et projeter une image de marque à l’international.
Au sein du pays, le sport permet d’unir la population autour de valeurs communes et patriotiques, de forger de futurs soldats et de renforcer la popularité des dirigeants qui construisent ou modernisent des stades et des routes. Après la victoire russe aux Jeux de Sotchi 2014, attribuée au patriotisme du peuple russe, la popularité de Poutine atteint son niveau record.
Le sport permet aussi de montrer le retour de la Russie sur la scène internationale et à Poutine d’incarner une Russie forte, saine et héroïque.
Alors que la Russie est exclue de plusieurs compétitions et fédérations internationales pour soupçon de dopage et suite à l’invasion de l’Ukraine, Poutine veut créer un système sportif alternatif qui concurrence le système actuel dominé par les Occidentaux.
Finalement, les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont reflété la relative désoccidentalisation du sport et du monde, et pourraient amorcer un tournant nécessaire vers des Jeux plus durables, sur le plan économique, environnemental et social.
On notera aussi que l’association internationale de boxe (IBA), qui avait soutenu l’invasion russe de l’Ukraine, a été exclue des comités olympiques et concurrencée par une nouvelle association créée par les USA et la GB, mais bénéficie toujours du soutien de pays asiatiques et africains, ce qui reflète bien l’existence de deux blocs antagonistes.
Certains parlent de la stratégie du judo, qui consiste à se servir de la force de l’adversaire pour la retourner à son profit.
Comme la passerelle piétonne au-dessus de l’autoroute A1, le bassin de la Maltournée sur les rives de Seine, la nouvelle centrale géothermique de Pleyel
C’est ce même processus de gentrification que l’on a observé après les JO de Londres en 2012. Si la construction du Parc olympique à Stratford, un des quartiers les plus pauvres de la ville, a entraîné une certaine revitalisation économique et la création d’emplois, elle a aussi causé le départ de près de 1000 ménages et 300 petites entreprises, et une hausse des prix immobiliers plus importante que dans le centre de Londres.
Certes, ce sont surtout les grandes entreprises du BTP (comme Vinci ou Bouygues) qui ont remporté les appels d’offre, certains dénoncent des accidents sur des chantiers indirectement liés aux Jeux, et la création d’emplois est difficile à mesurer, les emplois étant souvent éphémères ou déjà existants. Mais il s’agit en tout cas d’une initiative à renouveler.
Qui s’élevait alors à 1 026€ par mois.
Des écoles locales où les élèves prometteurs sont repérés et envoyés s’entraîner 10 heures par jour dans des établissements spécialisés
Des clubs de province gérés par un bureau des sports en lien avec l’administration centrale
Des équipes nationales et olympiques vivant à l’écart dans des campus sportifs aux règles quasi militaires